Les syndicats enseignants ont appelé à la « grève sanitaire » dans les écoles, le 10 novembre. Ils dénoncent le manque de moyens dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 en milieu scolaire. Dans les Deux-Sèvres, le personnel, à bout de souffle, ne sait pas comment réussir à appliquer le nouveau protocole sanitaire.
Anne*, 24 ans, enseignante depuis deux ans, prépare ses cours pour la semaine. Entre deux appels avec ses collègues pour faire le point sur les cas contacts dans l’établissement, elle explique pourquoi elle a décidé de faire grève ce mardi 10 novembre. « C’est l’histoire de la piscine qui a tout déclenché. Le programme de natation en éducation physique et sportive est maintenu, alors que les piscines sont fermées au public », explique-t-elle. «On force les élèves de CP à porter le masque toute la journée, mais à la piscine, on se passe du protocole. » Les enseignants dénoncent un ras-le-bol au sein de l’Éducation nationale qui s’accentue au fil de la crise sanitaire.

Une dose de travail considérable
« Les élèves portent le masque, pourtant ils ne sont plus considérés comme cas contacts. Alors, pourquoi doivent-ils le porter s’ils ne sont pas dangereux ? », s’interroge-t-elle. Depuis le lundi 2 novembre, les masques sont obligatoires pour les élèves d’école primaire.
L’enseignante tente de rattraper certaines lacunes engendrées par le premier confinement, tout en essayant de suivre son programme. Elle jongle entre différents niveaux de classe, prépare ses élèves à entrer en sixième, tout en étant affectée dans trois établissements différents.
C’est le paradoxe de cette reprise. Chaque jour, un nouveau protocole sanitaire parvient aux équipes avec, à chaque fois, une complexité différente. Le personnel partage le sentiment d’avoir été trompé par la hiérarchie. À cela s’ajoute le scandale des masques fournis par le ministère de l’éducation nationale. Ceux-ci étaient traités avec un produit chimique biocide considéré comme toxique.
A partir de lundi, 12 millions d’élèves et 800 000 enseignants seront rassemblés à raison de 26 individus par salle en moyenne pendant que les promenades en forêt seront interdites. Ouvrir les écoles OUI, mais ce protocole sanitaire est une blague. pic.twitter.com/T7s5hEWZPY
— Rachid l’instit (@rachidowsky13) October 29, 2020
Rachid Zerrouki, connu sous le nom de « Rachid l’instit » sur Twitter, est professeur en classe de Segpa à Marseille.
D’autres membres du personnel exerçant en milieu scolaire sont à bout. Notamment les surveillants en collège. Depuis le début de la pandémie, ils sont en première ligne. Romain*, 27 ans : « On a ouvert le collège pour accueillir les enfants des soignants. À l’époque, nous n’avions pas suffisamment de masques et nous n’étions pas vraiment équipés. Aujourd’hui, nous en avons marre. Nous attendons encore la fameuse prime Covid ! » ironise Romain.
La surveillance des élèves est difficile lors de la pause déjeuner. « Nous sommes beaucoup trop nombreux à surveiller les lavages des mains et le respect du protocole sanitaire au self. On passe à côté de certains élèves qui ont besoin de nous : évoquer un problème, une bagarre ou un bobo », commente Romain, avec une certaine lassitude. Les différents membres du personnel sont régulièrement cas contacts. « Un jeudi matin, sept professeurs et deux surveillants étaient absents. Nous avions 150 élèves en étude à gérer. Nous les avons surveillés dans la cour. Ce genre de situation ne va pas être tenable toute l’année », alerte le surveillant.
« Nous ne savons pas de quoi sera fait demain avec ces protocoles sanitaires »
Les futurs professeurs sont également mis à rude épreuve. Matthieu*, 23 ans, prépare le CAPEPS (le concours pour devenir professeur de sport). Il est en stage dans un lycée deux fois par semaine. « Après les vacances, un des élèves de ma promotion a abandonné. Après cinq ans d’études et à quelques mois du concours, ça m’interroge sur la situation dans laquelle nous sommes. » Les élèves sont également pénalisés puisque les cours de sports sont annulés, le temps d’adapter la théorie à la pratique. « On ne sait pas de quoi sera fait demain avec ces protocoles. On nous indique des mesures qu’on nous contre-indique le lendemain. C’est usant », déplore le jeune stagiaire désemparé face à la situation. La préparation du concours demeure, elle aussi, dans une grande incertitude. L’année dernière, toutes les épreuves orales avaient été annulées, à l’exception de celle du CAPEPS. Qu’en sera-t-il cette année ? Une question sans réponse qui génère un stress supplémentaire chez ce futur enseignant.
Anne se demande si elle pourra enseigner toute sa vie. La pression hiérarchique, les bas salaires, les conditions de travail qui se dégradent commencent à peser. « Avec une amie, on se demande si dans cinq ans on n’aura pas quitté l’institution. C’est une vocation d’enseigner, mais plus personne ne se préoccupe de nous. » Un désarroi partagé par ses collègues qui ont bravé le confinement pour aller manifester ce lundi un peu partout en France.
