En Corée du Sud, l’un des pays les plus développés de la planète, de vieilles dames sont contraintes de se prostituer pour subvenir à leurs besoins.

« Il paraît que t’es la plus bonne, j’espère que tu vaux ton prix », lance un client d’une cinquantaine d’années à une prostituée de 10 ans son aînée, avant de la forcer à exécuter une fellation et ce, malgré ses problèmes de genoux. Cette scène, issue du film « Bacchus Lady », produit par EJ Yong, résume le quotidien de ces femmes. Pour moins de 10 dollars, les Bacchus Ladies vendent leur corps, et doivent même payer l’hôtel. Elles n’hésitent pas à mettre leur prix au rabais pour attirer la clientèle.
« Ce qui est intéressant, c’est que le thème de la prostitution a déjà été abordé par le cinéma, mais celui des personnes âgées en situation précaire, ce n’est pas courant. Le phénomène est assez muet comparé au soft power matraqué par les médias », constate Marie Palot, journaliste d’origine sud-coréenne.
Le soft-power sud-coréen est bien connu. La vague coréenne (Hallyu) a submergé le monde entier. K-pop, drama, mode… Lorsque l’on pense à la Corée du sud, ces mots nous viennent à l’esprit. Ces dernières années, la Corée du sud a réussi à se hisser parmi les pays les plus riches du monde, se plaçant en onzième position. Paradoxalement, le taux de pauvreté des personnes âgées s’élevait à 43,8% en 2017, le plus élevé des pays de l’OCDE. La pauvreté a poussé les séniors à avoir recours à la prostitution.
Les Bacchus Ladies tirent leur nom de la boisson qu’elles vendaient traditionnellement dans les parcs pour gagner quelques wons (monnaie coréenne). Désormais, elles se servent de ces boissons pour attirer leur clientèle, en général tout aussi âgée. Pour ces femmes, les frais de scolarité, la nourriture et les médicaments leur sont difficilement abordables.
« Les Bacchus Ladies se prostituent pour subsister. Elles sont souvent délaissées par leur famille et le gouvernement ne les aide pas », explique Heewon Kang, étudiante coréenne à Paris.
Dans une société en perpétuelle évolution, les traditions confucéennes ont laissé place à une jeunesse moins encline à aider ses aînés. La famille nucléaire est désormais la norme et les obligations filiales se sont distendues. De fait, les séniors sont de plus en plus forcés à travailler plus longtemps. « Quand on sort des quartiers jeunes, branchés, on est prompt à assister à des scènes de vie plus simples. Le film Parasite a ouvert violemment les yeux au reste du monde qui adulait la Corée : oui la pauvreté y existe. Et elle n’est pas jolie à voir », conclut Marie Palot.
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Découvrez le film « The bacchus lady », de EJ Yong , qui met le doigt sur cette dure réalité, sous le ton d’une comédie dramatique.