La Rébellion internationale d’octobre, une série d’actions non violentes, a été organisée par Extinction Rebellion pour lutter contre l’inaction face au réchauffement climatique. Au cours de ces actions, plusieurs militants ont été placés en garde à vue. L’association organise régulièrement des formations à la désobéissance civile pour préparer ses troupes.

« Vous êtes en avance aujourd’hui ! » s’étonne Rémi Filliau, formateur à la désobéissance civile, en voyant la trentaine de participants prendre place sur les chaises disposées en cercle. Tous les âges sont présents à l’Arche, cet espace de co-working qui accueille aujourd’hui une formation aux actions non violentes et à la désobéissance civile. Extinction Rebellion, mouvement social écologiste et international, a fait de ce type d’action sa signature.
Ceux qui ont abandonné leur grasse matinée pour être présents à 10h30 ce dimanche 18 octobre sont invités à se servir un café, dans des gobelets réutilisables bien sûr. Une fois par mois, à Paris, le collectif Les Désobéissants et Extinction Rebellion forment ceux qui réfléchissent à s’engager dans des luttes non-violentes.

La lumière qui traverse l’immense baie vitrée en forme d’arche crée une atmosphère apaisante. Les présentations discrètes entre voisins brisent le silence dans l’atelier avenue Daumesnil, à Paris. Certains sont encore novices en matière d’action non-violente. Élise* a fait le déplacement car elle envisage de participer à des actions de désobéissance civile. « Je suis ici pour être plus sûre de moi avant de m’engager », explique-t-elle.
Inès* vient également ici pour trouver du courage. « Je souhaite comprendre le mode de fonctionnement de ces actions, détaille-t-elle. Avec le confinement, je me suis rendue compte que je ne voulais pas vivre l’effondrement économique et écologique de la société. Je veux me sentir utile. »
Les limites de la violence
Rémi Filliau propose un premier atelier. Il installe quatre chaises pour former un carré au milieu des apprentis. Sur chacune, sont écrits des mots différents : « violent », « non-violent », « je fais », « je ne fais pas ». Le formateur donne des exemples d’actions militantes, et chacun doit se placer dans l’espace proche de la chaise qui reflète ce qu’il pense et compte faire. « Des amis de l’association Les faucheurs d’OGM me proposent de venir avec eux en plein jour, à visage découvert et avec les médias, pour faucher un champ d’OGM », invente Rémi Filliau.
Quitte à faire du greenwashing, autant que ça soit visible ! @barbarapompili @Ecologie_Gouv #RebellionMaintenant @xrFrance https://t.co/eURTs5glrc
— Extinction Rebellion Paris / Île-de-France (@xr_ParisIDF) October 13, 2020
Chacun se place : certains ne trouvent pas cela violent et sont prêts à le faire, d’autres veulent le faire et trouvent l’action violente. Un groupe, plus restreint, n’est pas prêt à agir. Chacun peut expliquer sa position après avoir levé la main, pour que chacun puisse être écouté. « Je trouve que c’est violent économiquement pour l’agriculteur », explique un des participants. « Si on ne fauche qu’un hectare sur plusieurs centaines, c’est rien », rétorque un autre. « Je ne trouve pas ça violent, mais je ne le fais pas car je ne sais pas quelles peuvent être les retombées juridiques », argumente une participante. Il n’y a pas de mauvais avis pour Rémi Filliau, qui veut faire réaliser aux participants qu’il est normal que chaque militant ait des limites différentes.
C’est d’ailleurs pour connaître les retombées juridiques que Jade* est venue aujourd’hui. « J’ai essayé de faire des recherches par moi-même, mais je n’ai rien trouvé de très précis », raconte celle qui a déjà participé à des sit-in et qui hésite encore à aller plus loin.
Faire bloc
Un nouvel atelier commence. Un groupe doit organiser une action de désobéissance civile. Les autres joueront le rôle des policiers, affublés de gilets jaunes afin d’être distingués des manifestants. On peut alors entendre des rires soulignant l’ironie de la situation. Certains doivent repeindre en vert la façade fictive du ministère de la Transition écologique, comme l’a fait Extinction Rebellion la semaine précédente. Les autres jouent les bloqueurs, les porte-paroles, ou encore les « contacts police » dont le but est de tenter de négocier avec les policiers pour gagner du temps. « Des actions concrètes pour le climat ! » scandent l’équipe d’apprentis désobéissants. Une corne de brume annonce la venue des policiers, que les « contacts police » essayent de retenir.

Les négociations échouent et les policiers vont disperser les bloqueurs, enchaînés les uns aux autres. Des participants se font traîner au sol, jusqu’à se retrouver dans le fourgon imaginaire des forces de l’ordre. « La répression fait partie du jeu de la désobéissance civile, explique Rémi Filliau. Le but c’est de se faire arrêter pour aller au tribunal et avoir une tribune politique. » Il ajoute que, généralement, les désobéissants sont relaxés ou écopent seulement d’une amende qui est prise en charge par les associations.
Inès, qui a peiné à tirer les bloqueurs dans le fourgon, ressort enrichie de cet exercice. « On voit qu’avec la solidarité, on peut créer beaucoup de force », conclut-elle.
🔴Les forces de l’ordre interviennent rapidement pour déloger les membres d’Extinction Rebellion (@xrFrance) devant le Ministère de l’Écologie. #ExtinctionRebellion #Paris #RebellionMaintenant #France pic.twitter.com/7fHWp6MYrS
— Charles Baudry (@CharlesBaudry) October 13, 2020
« Ces formations sont importantes car il y a des erreurs à ne pas faire : partir en courant, insulter un agent ou mettre une cagoule », prévient Rémi Filliau. Commettre ce type de fautes irait contre le pacifisme de ces actions et pourrait constituer une circonstance aggravante lors d’un éventuel procès. Il faut assumer son action pour faire passer son message à la population selon le formateur. « Il faut toujours agir à visage découvert ».

Rémi Filliau estime que la désobéissance civile est nécessaire aujourd’hui, dès lors que la manifestation traditionnelle n’a pas porté ses fruits. « La lutte traditionnelle a échoué, il faut faire des actions plus créatives. »
*Les participantes interrogées ont préféré ne pas divulguer leur nom de famille pour conserver leur anonymat.
